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MADEMOISELLE DE MAUPIN.

plus magnifique caractère ; — un torrent de beaux cheveux bruns légèrement crêpelés, comme on en voit aux têtes des anciens maîtres, descendait à petites vagues au long d’un dos d’ivoire dont il rehaussait merveilleusement la blancheur.

Le peintre satisfait, l’amant reprit le dessus ; car, quelque amour de l’art qu’on ait, il est des choses qu’on ne peut pas longtemps se contenter de regarder.

Il enleva la belle dans ses bras et la porta au lit ; en un tour de main il fut déshabillé lui-même et s’élança à côté d’elle.

L’enfant se serra contre lui et l’enlaça étroitement, car ses deux seins étaient aussi froids que la neige dont ils avaient la couleur. Cette fraîcheur de peau faisait brûler d’Albert encore davantage et l’excitait au plus haut degré. — Bientôt la belle eut aussi chaud que lui. — Il lui faisait les plus folles et les plus ardentes caresses. — C’étaient la gorge, les épaules, le cou, la bouche, les bras, les pieds ; il eût voulu couvrir d’un seul baiser tout ce beau corps, qui se fondait presque au sien, tant leur étreinte était intime. — Dans cette profusion de charmants trésors, il ne savait auquel atteindre.

Ils ne séparaient plus leurs baisers, et les lèvres parfumées de la Rosalinde ne faisaient plus qu’une seule bouche avec celle de d’Albert ; — leurs poitrines se gonflaient, leurs yeux se fermaient à demi ; — leurs bras, morts de volupté, n’avaient plus la force de serrer leurs corps. — Le divin moment approchait : — un dernier obstacle fut surmonté, un spasme suprême agita convulsivement les deux amants, — et la curieuse Rosalinde fut aussi éclairée que possible sur ce point obscur qui l’inquiétait si fort.

Cependant, comme une seule leçon, si intelligent qu’on soit, ne peut pas suffire, d’Albert lui en donna une