Page:Gautier - Mademoiselle de Maupin (Charpentier 1880).djvu/370

Cette page a été validée par deux contributeurs.
364
MADEMOISELLE DE MAUPIN.

du corps, et se laissa tomber sur le pied de mon lit de façon à m’entraîner avec elle.

— Rosette, lui dis-je en m’efforçant de me dégager, je m’en vais tâcher de rallumer la lumière ; rien n’est triste comme l’obscurité dans une chambre ; et puis, c’est vraiment un meurtre de ne pas y voir clair quand vous êtes là et de se priver du spectacle de vos beautés. — Permettez qu’au moyen d’un morceau d’amadou et d’une allumette, je me fasse un petit soleil portatif qui mette en relief tout ce que la nuit jalouse efface sous ses ombres.

— Ce n’est pas la peine ; j’aime autant que vous ne voyiez pas ma rougeur ; je me sens les joues toutes brûlantes, car c’est à mourir de honte. Elle se jeta la figure contre ma poitrine ; elle resta quelques minutes ainsi, comme suffoquée par son émotion.

Moi, pendant ce temps-là, je passais machinalement mes doigts dans les longues boucles de ses cheveux déroulés ; je cherchais dans ma cervelle quelque honnête échappatoire pour me tirer d’embarras, et je n’en trouvais point, car j’étais acculée dans mes derniers retranchements, et Rosette paraissait parfaitement décidée à ne pas sortir de la chambre comme elle y était entrée. — Son habillement avait une désinvolture formidable, et qui ne promettait rien de bon. Je n’avais moi-même qu’une robe de chambre ouverte et qui eût fort mal défendu mon incognito, en sorte que j’étais on ne peut plus inquiète de l’issue de la bataille.

— Théodore, écoutez-moi, dit Rosette en se relevant et en rejetant ses cheveux des deux côtés de sa figure, autant que je pus le discerner à la faible lueur que les étoiles et un croissant de lune très-mince, qui commençait à se lever, jetaient dans la chambre dont la croisée était restée ouverte ; — la démarche que je fais est