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MADEMOISELLE DE MAUPIN.

eût dit de ces fils d’or qui entourent la tête des vierges dans les anciens tableaux. — Nous gardions toutes les deux le silence, et je m’amusais à suivre, sous la transparence nacrée de ses tempes, ses petites veines bleu d’azur et la molle et insensible dégradation du duvet à l’extrémité de ses sourcils.

La belle semblait se recueillir en elle-même et se bercer dans des rêves de volupté infinie ; ses bras pendaient au long de son corps aussi ondoyants et aussi moelleux que des écharpes dénouées ; sa tête s’inclinait de plus en plus en arrière, comme si les muscles qui la soutenaient eussent été coupés ou trop faibles pour la soutenir. Elle avait ramené ses deux petits pieds sous son jupon, et était parvenue à se blottir entièrement dans l’angle de la causeuse que j’occupais, en sorte que, bien que ce meuble fût trop étroit, il y avait un grand espace vide de l’autre côté.

Son corps, facile et souple, se modelait sur le mien comme de la cire, et en prenait tout le contour extérieur aussi exactement que possible : — l’eau ne se fût pas insinuée plus précisément dans toutes les sinuosités de la ligne. — Ainsi appliquée à mon flanc, elle avait l’air de ce double trait que les peintres ajoutent à leur dessin du côté de l’ombre, afin de le rendre plus gras et plus nourri. — Il n’y a qu’une femme amoureuse pour avoir de ces ondulations et de ces enlacements. — Les lierres et les saules sont bien loin de là.

La douce chaleur de son corps me pénétrait à travers ses habits et les miens ; mille ruisseaux magnétiques rayonnaient autour d’elle ; sa vie tout entière semblait avoir passé en moi et l’avoir abandonnée complétement. De minute en minute, elle languissait et mourait et ployait de plus en plus : une légère sueur perlait sur son front lustré : ses yeux se trempaient, et deux ou