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MADEMOISELLE DE MAUPIN.

quoi je ne prenais pas garde qui constituent la réelle beauté et prouvent la pureté de race, me guident dans mes appréciations, et ne me permettent guère de me tromper. — Je crois qu’on pourrait accepter les yeux fermés une femme dont j’aurais dit : — En vérité, elle n’est pas mal.

Par une conséquence toute naturelle, je me connais beaucoup mieux en tableaux qu’auparavant, et quoique je n’aie des maîtres qu’une teinture fort superficielle, il serait difficile de me faire passer un mauvais ouvrage pour bon ; je trouve à cette étude un charme singulier et profond ; car, comme toute chose au monde, la beauté morale ou physique veut être étudiée, et ne se laisse pas pénétrer tout d’abord.

Mais revenons à Rosette ; de ce sujet à elle, la transition n’est pas difficile, et ce sont deux idées qui s’appellent l’une l’autre.

Comme je l’ai dit, la belle était renversée sur mon bras, et sa tête portait contre mon épaule ; l’émotion nuançait ses belles joues d’une tendre couleur rose, que rehaussait admirablement le noir foncé d’une petite mouche très-coquettement posée ; ses dents luisaient à travers son sourire comme des gouttes de pluie au fond d’un pavot, et ses cils, abaissés à demi, augmentaient encore l’éclat humide de ses grands yeux ; — un rayon de jour faisait jouer mille brillants métalliques sur sa chevelure soyeuse et moirée, dont quelques boucles s’étaient échappées et roulaient, en forme de repentirs, au long de son cou rond et potelé, dont elles faisaient valoir la chaude blancheur ; quelques petits cheveux follets, plus mutins que les autres, se détachaient de la masse, et se contournaient en spirales capricieuses, dorées de reflets singuliers, et qui, traversées par la lumière, prenaient toutes les nuances du prisme : — on