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ques papiers maculés et noircis, et se leva avec un mouvement plein de grâce et de dignité pour aller au devant de la visiteuse.

Après l’échange de demandes et de réponses banales par où débute toute conversation, Florence dit d’un ton détaché :

— À propos, que faites-vous de M. Dalberg ?

— Moi ? rien, répondit négligemment Amine.

— Je croyais que c’était un de vos adorateurs….

— La blonde du médaillon, mademoiselle Calixte, occupe son cœur tout entier.

À ce nom, Florence tressaillit et pâlit si visiblement qu’Amine s’en aperçut.

— Qu’avez-vous donc, chère belle ? vous changez de couleur !

— Ce n’est rien… une émotion dont je n’ai pu me défendre. Ah ! elle s’appelle Calixte ?

— Calixte Desprez. — Mais quel intérêt tout cela peut-il avoir pour vous ?

— C’est vrai, je suis folle… aucun.

— J’avais écrit à Dalberg de venir chercher le portrait à des conditions qui n’étaient pas trop féroces. Il n’a pas paru.

— Il l’aime donc bien ? dit Florence avec un soupir.

— Comme vous dites cela ! est-ce que, par hasard, vous auriez pour Henri… un caprice… une passion ?

— Eh bien ! oui… répondit Florence avec une effusion que, si elle n’était pas sincère, eût fait honneur à une comédienne consommée.

Elle couvrit sa belle figure de ses deux mains, comme pour cacher sa rougeur.

— Oui, je l’aime… C’est plus fort que moi. C’est la jalousie qui me conduisait hier chez vous.

— Ah ! froide Florence ! vous voilà donc atteinte par la flamme ! Il n’y a pas de salamandre qui ne finisse par se brûler.