Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/94

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

primée dans le recueil de ses œuvres ; mais elle l’a été séparément en 1631, quelques années après sa mort. — Voici ce que l’on trouve dans l’avant-propos de cette pièce, devenue extrêmement rare : « Plusieurs estiment que ce poème est du style de feu Théophile ; un de ses plus particuliers amis me l’a asseuré, et qu’il le fit au commencement qu’il s’introduisit en cour ; j’ai, sur son affirmation, cru que cela estoit ainsi. Le jugement que plusieurs braves hommes en ont porté m’a fait résoudre à le divulguer pour tel, afin qu’il survesquit à son autheur. » Cette pièce, avec Pyrame et Thisbé, compose tout le bagage dramatique de Théophile, qui, à vrai dire, avait peu de dispositions pour le théâtre, à cause de la tournure fantasque et irrégulière de son esprit : il ne se fait pas illusion là-dessus, et en explique les motifs avec une singulière sagacité :


Autrefois, quand mes vers ont animé la scène,
L’ordre où j’étois contraint m’a bien fait de la peine ;
Ce travail importun m’a longtemps martyré ;
Mais enfin, grâce aux dieux, je m’en suis retiré.
Peu sans faire naufrage et sans perdre leur Ourse
Se sont aventurez à cette longue course :
Il y faut par miracle estre fol sagement,
Confondre la mémoire avec le jugement,
Imaginer beaucoup, et d’une source pleine
Puiser toujours des vers dans une mesme veine.
....................
Je veux faire des vers qui ne soient pas contraints,
Promener mon esprit par de petits desseins,
Chercher des lieux secrets où rien ne me déplaise,
Méditer à loisir, resver tout à mon aise,
Emploïer toute une heure à me mirer dans l’eau,
Ouïr comme en songeant la course d’un ruisseau,
Escrire dans les bois, m’interrompre, me taire,