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Toujours j’aurai présent dans la pensée
L’an, la saison, le mois, l’heure et le jour
Que je senty par la force d’amour
Mon cœur bruslé d’une ardeur insensée.

J’honoreray l’emprise commencée,
Si mon destin me conduit au séjour,
Où de mon heur je verrai le retour
Récompenser ma pauvre asme offensée.

L’heure, le jour, l’an, le mois, la saison
Qu’en aoust le peuple achève la moisson,
Mille cinq cens nonante et une année,

Par un jeudi, à quatre heures du soir,
Il pleust si fort à mes yeux de te voir,
Qu’à te servir ma foy fut adonnée.


Eh bien ! malgré et peut-être à cause de tous ces soupirs, de toutes ces larmes, de tous ces sonnets, de tous ces concetti, de toutes ces pointes, de tous ces rébus, Scalion ne put venir à bout de se faire aimer d’Angélique, et force lui fut de reporter son amour aux pieds de mademoiselle Adriane, qui ne fut pas cruelle comme Angélique.

Le bonheur de Scalion lui fit commettre un troisième livre de sonnets intitulé les Prospères et parfaites amours de Scalion de Virbluneau ; il y pleurniche bien encore de temps à autre, par l’effet de l’habitude, mais ce n’est rien.

Il n’y a que deux gravures dans cette partie : l’une représente un phénix sur un bûcher, avec cette devise : Ardendo me renovo ; — l’autre un cœur attaché par une chaîne, tenaillé, percé de clous, ouvert comme une armoire, par deux mains qui le tirent en sens inverse, avec accompagnement obligé de flèche et de tonnerres. Sur