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Si en partant, seul vous m’avez laissé,
Sans m’avoir dit l’adieu que je désire,
Vous en avez augmenté le martyre,
Qui me retient de regrets oppressé.

Je me senty aussitost offencé
En vous oyant la vérité desdire,
Car on ne peut mon amour contredire
Que je ne soy dans l’ame courroucé.

Quel creve-cœur ! après si longue preuve
De mon debvoir, qu’il faille que j’abreuve
Mon lict en l’eau du ruisseau de mes pleurs !

Quelle fureur conduit ma destinée,
D’estre subject aux loix d’une obstinée
Qui s’esjouit quand pour elle je meurs ?

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En Normandie, Angélique (ma belle)
S’en est allée establir son séjour,
Qui faict paroistre à minuict un beau jour,
D’un seul rayon de sa vive étincelle.


La cruelle Angélique eut les pâles couleurs à peu près vers ce temps, et le pauvre Scalion lui conseille un remède que je crois très-efficace ; mais Angélique ne fut pas de cet avis, et aima mieux être malade.

Ce fut en 1591 que cette belle passion le prit au ventre. — Voici le sonnet où il raconte l’origine de son amour ; il ressemble au sonnet de Pétrarque :


Era’l giorno ch’al sol si scoloraro
Per la pieta del suo fattore i rai,
Quand’ io fui preso, e non me ne guardai ;
Che i bei vostr’ occhi, Donna, mi legaro.


Le jour où Pétrarque devint amoureux de Laure était un vendredi saint. — Ce fut un jeudi que Scalion s’énamoura d’Angélique.