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sisterais certes pas à des allégories aussi convaincantes ; mais Angélique était une vraie tigresse hyrcanienne : aussi Virbluneau, voyant que les symboles ne réussissaient pas, dessine une nouvelle vignette on ne peut pas plus claire et persuasive : d’abord elle est trois fois grande comme les autres, et se plie en plusieurs morceaux, en manière de carte de géographie.

La scène est dans une campagne bossuée de petites collines, semée de châteaux et de villages, entrecoupée d’eaux et de bois ; dans un coin du ciel, au milieu d’un nuage, un amour, l’arc à la main, tire ses flèches sur la terre ; tous les animaux de la création sont rassemblés comme au jour de leur entrée dans l’arche ; c’est le printemps, toutes les fleurs s’épanouissent, tous les arbres se chargent de feuilles. — Les flèches de l’amour ont atteint leur but, le cerf court après la biche, les oiseaux se cherchent dans les branches, les colombes se becquètent, les oies s’avancent côte à côte en se dandinant, le brochet et la brochette lèvent leur museau hors de l’eau et se sourient le plus amicalement du monde, le crapaud fait des avances à la crapaude, les limaçons se montrent les cornes, les serpents s’entortillent, les lapins assis sur leur derrière se frottent les moustaches avec leurs pattes de devant, les hérissons se rapprochent au risque de s’embrocher avec leurs piquants, les lézards se regardent de l’air le plus langoureux, les boucs se donnent des coups de tête à la bretonne, les papillons dansent dans un rayon de soleil, le chien récite une élégie à la chienne, le coq est très-aimable avec la poule. À la manière dont y vont tous ces différents groupes, il est aisé de conjecturer que