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nité de vieux mots, donnent l’hospitalité à nombre de tournures tombées en désuétude dans le style habituel : c’est un des mille privilèges du vers.

— Quant à Scalion de Virbluneau, sieur d’Ofayel, c’est très-certainement un des plus détestables poëtes qu’il soit possible de trouver. Son commentateur, s’il avait un commentateur, car je suis trop modeste pour me compter, serait embarrassé pour en faire l’éloge ; et cependant ces messieurs savent dénicher des beautés secrètes jusque dans les points et les virgules. — Brossette en personne, Brossette, ce niais annotateur de Boileau, y aurait perdu son grec et son latin : il est difficile, même à un poète lauréat, d’être plus outrageusement ennuyeux, plus dénué de passion et d’idées. — Cela est monstrueusement nul, démesurément plat et gigantesquement médiocre ; c’est au-dessous de tout ; cela n’est pas même mauvais. — Vous ne trouvez pas dans Scalion les réjouissantes incongruités du tremblement de terre de Lisbonne, ni l’extravagance maladive et bizarre du poème de la Madelaine. C’est quelque chose de fluide, d’insipide et d’incolore, qui a un arrière-goût singulièrement académique, et qui aurait à coup sûr charrié son auteur au fauteuil, si le fauteuil eût existé en ce temps-là. — J’ai pris dix gouttes d’opium sans dormir : — au cinquième sonnet de Virbluneau, j’avais déjà fait deux ou trois rêves. — Mes mâchoires ont résisté à plusieurs discours de réception consécutifs et à plus de drames que je n’en veux nommer, et j’ai manqué me les décrocher irrémissiblement pour achever ce glorieux volume.

Mais, vous allez me dire : Pourquoi perdre votre temps