Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/65

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prendre, à la théologie. C’est la même métaphysique embrouillée, la même subtilité, le même fatras scientifique, la même symétrie de pensées et de formes. — L’amour argumente comme un docteur de Sorbonne in baroco et in baralipton ; il syllogise la passion, il se sert de la majeure et de la mineure ; il ergote, il sophistique, il divise et subdivise la plus petite fraction de pensée ; il la prend, il la tourne sur l’enclume, il la bat, il l’étend, il la passe au laminoir. Jean Scott et le docteur Séraphique n’ont jamais été aussi loin.

C’est quelque chose d’inextricablement tortillé, d’excessivement pointu et tiré aux cheveux, que l’on ne conçoit guère maintenant, et qui ne ressemble ni aux bonnes et franches allures de la vieille galanterie gauloise, ni aux prétentieuses afféteries des madrigaux mythologiques du xviiie siècle.

On sent, à tout cet esprit de controverse, que Luther est venu ; un pan du froc de ce gros moine révolté flotte à travers les quatrains et les tercets de tous ces beaux sonnets à l’espagnole ou à l’italienne. C’est le mysticisme germain, l’idéalisme du Nord qui se condensent et se cristallisent dans l’art plastique du Midi, plus amoureux de la forme, plus curieux du style et de l’extérieur de la pensée ; c’est l’Allemagne rêveuse qui donne la main à la sensuelle Italie. — C’est l’âme et le corps. — Le sonnet est la goutte d’ambre qui tombe sur toutes ces pensées voltigeantes, qui les embrasse étroitement et nous les conserve embaumées à travers les siècles et les variations de langage. — La poésie d’une époque est bien moins vite surannée que la prose ; les vers retiennent une infi-