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que son prototype. — Sa luxure est plus fangeuse et a quelque chose de monacal ; c’est la luxure d’un satyre plutôt que celle d’un homme ; il ne voit rien au delà de la jouissance physique ; l’amour de l’âme lui est inconnu ; il n’eût pas trouvé, comme Villon,


Deux estions et n’avions qu’un cœur.


Panurge, rebuté, fait compisser par les chiens la femme qui n’a pas voulu de lui.

Villon soupire cette élégie :


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Ung temps viendra qui fera dessécher,
Jaulnir, flétrir votre espanie fleur,
J’en risse[1] alors s’enfant sceusse marcher ;
Mais nenny, las ! ce seroit donc foleur :
Vieil je seray, vous laide et sans couleur ;
Or, beuvez fort tant que rû[2] peut courir,
Ne reffusez, chassant ceste douleur,
Sans empirer ung povre secourir.


Ne croirait-on pas entendre Béranger chantant :


Vous vieillirez, ô ma belle maîtresse !


Une ressemblance de Villon avec Deburau, cet autre type admirable du peuple, qui n’aime pas entendre chanter les rossignols, c’est le singulier mépris qu’il fait de la nature champêtre. Dans ses vers, si chargés de couleur, et où abondent tant de pittoresques détails, vous ne trouverez pas la moindre échappée de paysage. — Voici une ballade où il explique tout au long cette anti-

  1. J’en rirais alors, si moi-même j’étais encore un jeune homme.
  2. Le ruisseau, l’eau.