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ajouta le notaire. — L’immortalité, continua le poète. Les noms des femmes de rois meurent avec elles ; celui de la femme de Scarron vivra éternellement. Madame Scarron amena dans la maison de son mari l’ordre, la bonne tenue, et, sinon la décence, du moins un enjouement plus voilé. Elle changea l’aspect de ce triste intérieur de vieux garçon malade, où les fioles coudoyaient les bouteilles, et si la compagnie fut aussi nombreuse qu’auparavant, du moins elle était plus choisie et plus contenue. Sous cette douce influence, Scarron, qui avait une liberté de langage toute cynique et toute rabelaisienne, se corrigea de ses vilains mots et de ses équivoques. L’on remarque dans tout ce qu’il a fait depuis son mariage une plaisanterie de meilleur goût, moins de choses grossières et surtout d’obscénités. Il ne faut pas croire pourtant, d’après cela, que notre burlesque se fût amendé complètement : une originalité aussi forte que la sienne ne pouvait ainsi renoncer à elle-même ; il se permettait encore beaucoup de licences, et justifiait le programme qu’il avait adopté en se mariant : — Si je ne fais pas de sottises à ma femme, au moins je lui en dirai beaucoup.

Eh bien, ce petit homme contrefait, malade et ridicule, évita le malheur dont les plus grands hommes, dont les plus fiers génies n’ont pas toujours été à couvert. Sa femme, belle, jeune, spirituelle, courtisée par tout ce qu’il y avait de galant, d’illustre et de riche, lui garda une stricte fidélité, que personne ne mit en doute, excepté le Gilles Boileau, et qui fut reconnue des auteurs les plus médisants, au nombre desquels on peut compter Sorbière. Lorsque tant de maris jeunes, amoureux, char-