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chatouilleux ; aussi, lorsqu’on lui lut l’épître Scarron, il la trouva assez agréablement tournée, et il dit à plusieurs reprises qu’elle était datée plaisamment. Malheureusement le poète ne put ressentir l’effet de la bonne volonté de l’éminence qui mourut fort peu de temps après, événement qu’il déplore en ces termes dans une autre requête au roi :


Je suis, depuis quatre ans, atteint d’un mal hideux
Qui tâche de m’abattre ;
J’en pleure comme un veau, bien souvent comme deux,
Quelquefois comme quatre.
Pressé de mon malheur, je voulus présenter
Au cardinal requête ;
Je fis donc quelques vers, à force de gratter
Mon oreille et ma tête.
Ce grand homme d’État ma requête écouta
Et la trouva jolie ;
Mais, là-dessus, survint la mort qui l’emporta
Et ne m’emporta mie.


Grâce à la protection de mademoiselle de Hautefort, il avait été présenté à la reine, qui daigna lui permettre de se nommer son malade en titre, emploi dont il s’acquitta avec toute la conscience imaginable. La reine lui accorda une gratification de cinq cents écus. À force de placets, de requêtes, d’importunités et de protections, il vint à bout de changer cette gratification en une espèce de pension aussi régulière que pouvaient le permettre l’incertitude des temps et le désordre des finances. Scarron, qui portait le titre d’abbé gratuitement depuis près de quatorze ans, aurait bien voulu le justifier par quelque bénéfice, prieuré, prébende ou autre ; mais la vie licencieuse qu’il avait menée et la bouffonnerie dont il faisait profession ne s’accordaient guère avec des fonctions cléricales