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pousser bien loin le ressentiment d’une dédicace et d’une belle reliure perdues. Mazarin, qui était un homme d’assez d’esprit pour rire aux bons endroits des pamphlets et des chansons qu’on faisait contre lui, trouva cette fois la plaisanterie un peu forte et le style un peu libre. On ne voit pas cependant qu’il ait cherché à en tirer vengeance.

Le logis de Scarron servait de lieu de rendez-vous aux frondeurs. On appelait ainsi, comme chacun le sait, ceux qui tenaient pour le parlement, et mazarins ceux qui tenaient pour l’autorité royale. M. le prince n’y allait pas lui-même, mais il y envoyait des gens de sa maison. On lisait là en petit comité l’Avis de dix millions et plus, le Courrier burlesque de la guerre de Paris, la Juliade, le Ramage de l’Oiseau, les Triolets frondeurs.

Les mazarins avaient aussi leurs poètes et leurs écrivains. Cyrano de Bergerac, qui était du parti de l’éminence, détacha en manière de réponse à Scarron, qu’il désigne sous l’anagramme transparent de Ronscar, une épître vertement sanglée. Cyrano, à qui les nombreux duels qu’il avait soutenus pour la forme de son nez donnaient, même la plume à la main, des airs de capitan matamore, traite le pauvre Scarron du haut en bas ; il lui dit qu’il n’a jamais vu de ridicule plus sérieux ni de sérieux plus ridicule que le sien ; il l’accuse d’avoir fait radoter Virgile, et l’appelle grenouille fâchée qui coasse dans les marécages du Parnasse. Il prétend que ce qu’il écrit est fait pour les harengères, et que, si le jargon de la halle vient à changer, il ne sera plus compris. Puis, passant à la description de sa personne, il assure que si la mort voulait danser une sarabande, elle prendrait une paire