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fort chaude, refroidit son courage et lui fait céder sa place à Mimas, qui, plus mince de taille, parvient à s’introduire par l’ouverture. La bataille devient générale. Jupiter monte à cheval sur son aigle, et fait une sortie à la tête de tous les dieux. La foudre étonne d’abord les géants, mais elle leur fait plus de peur que de mal. Mars et Encelade se provoquent en combat singulier ; mais ils se trouvent si redoutables l’un l’autre, qu’ils se tournent le dos après s’être injuriés, comme des héros d’Homère. Pendant la bataille, une vieille bohémienne fait parvenir à Jupiter, par un valet de pied, une lettre ainsi conçue : « Tirésias et Protée ont prédit que cette guerre ne pouvait être terminée à la gloire des dieux qu’avec l’aide d’un fils de mortelle ; c’est l’arrêt du destin. » Cet avis jette le découragement dans l’Olympe, et les dieux sont déjà vaincus, lorsque revient Typhon avec des géants frais cuirassés de pierres de taille. La déroute est complète, et Jupiter gagne au pied en criant : Sauve qui peut ! Les dieux et les déesses en font autant, et détalent comme des Basques ou des coureurs dératés. Pour échapper aux énormes drôles qui les poursuivent en faisant des enjambées plus grandes que le Petit-Poucet avec ses bottes de sept lieues, ils sont obligés de se cacher sous des formes d’animaux. Jupiter se change en bélier, Junon en vache, comme son épithète de Βοῶπις lui en donne bien le droit ; Neptune en lévrier, Mome en singe, Apollon en corbeau, Bacchus en bouc, Pan en rat, Diane en chatte, Vénus en chèvre, Mercure en cigogne. Les géants, qui ne sont pas très-fins de leur nature, ne savent ce que leurs ennemis sont devenus, et, pendant qu’ils les cherchent, ceux-ci, à