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il avait cent têtes, et de ses cent bouches sortaient avec des flammes des cris si horribles, que les dieux et les hommes en tremblaient. Le haut de son corps était couvert de plumes, et le bas s’effilait en queues de dragon. Ce géant, tout abominable qu’il était, trouva à se marier, et d’Échidna, sa femme, il eut toute une affreuse famille de monstres : Orcus, Cerbère, l’hydre de Lerne, la Chimère, le Sphinx et le lion de Némée. Enfin, Jupiter, ayant recouvré ses bras et ses jambes, par l’adresse de Mercure et de Pan, monta sur un char attelé de chevaux ailés, et foudroya Typhon si dru et si serré, qu’il le renversa et lui mit sur la poitrine, pour l’empêcher de se relever, le mont Etna, qui, depuis ce temps, ne cesse de cracher à la face du ciel, en signe de mépris et de révolte, des jets de flamme, des rochers, des torrents de lave et des trombes de fumée.

Voyons comment Scarron a caricaturé ce sujet épique et traduit cette lutte colossale.

Au début du poème, les dieux font bombance dans un Olympe macaronique arrangé en pays de Cocagne. Ils ont bu du nectar un peu plus qu’assez, et se sont donné des indigestions d’ambroisie. Jupiter dort le nez sur la table ; Junon est étendue sur son lit très-peu chastement drapée ; Mars, qui vient de Flandre, boit de la bière et fume du petun en vrai soudard qu’il est. Quant à Vénus elle fait l’œil à quelque jeune dieu encore imberbe qu’elle veut déniaiser.

Typhon et les géants ses amis s’amusent aussi sur terre à leur façon. Ils jouent aux quilles dans les champs de Thessalie. Vous pensez que les quilles de gaillards pareils