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commode de ces divisions et de ces compartiments dans le domaine de l’art. Pleurons ou rions pendant cinq actes, c’est bien ; mais ce désir d’harmonie et de régularité ne se satisfait que par le sacrifice des couleurs et des tons. On a une littérature monochrome, comme ces combats de gladiateurs peints avec de l’ocre rouge dont parle Horace, ou ces peintures en camaïeu dont les artistes de l’autre siècle ornaient les dessus de portes et les trumeaux. Tel poème est bleu, tel autre est vert ; tout y est modelé, comme dans les grisailles, par l’ombre et le clair ; dans aucun ne se marient harmonieusement les teintes variées de la nature. Nous ne reviendrons pas faire ici, à propos de Scarron, la théorie du grotesque, si éloquemment exposée dans une préface célèbre. Depuis Malherbe, la langue française a été prise d’un accès de pruderie et de préciosité dans les idées et dans les termes vraiment extraordinaire. Tout détail était proscrit comme familier, tout vocable usuel comme bas ou prosaïque. L’on en était venu à n’écrire qu’avec cinq ou six cents mots, et la langue littéraire était, au milieu de l’idiome général, comme un dialecte abstrait à l’usage des savants. À côté de cette poésie si noble et si dédaigneuse, s’établit un genre complètement opposé, mais tout aussi faux assurément, le burlesque, qui s’obstinait à ne voir les choses que par leur aspect difforme et grimaçant, à rechercher la trivialité, et à ne se servir que de termes populaires ou ridicules. C’est l’excès inverse, et voilà tout. Nous admettons parfaitement lu bouffonnerie, l’invention des détails comiques, la gaieté du style, la réjouissante bizarrerie des mots, les rimes imprévues et baroques, les plus folles