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tiches stéréotypés, dont il est difficile aux meilleurs et aux plus soigneux poètes de se défendre, tant la nécessité des coupes et des rimes du vers hexamètre les ramène impérieusement. Ce vers octosyllabique était si spécialement affecté aux bouffonneries, qu’il était appelé vers burlesque, bien qu’il se prête également aux inspirations nobles et sérieuses. C’est dans ce mètre que le bon Loret, le journaliste du temps, écrivait sa Muse historique.

Le burlesque, ou, si vous aimez mieux, le grotesque, a toujours existé, dans l’art et dans la nature, à l’état de repoussoir et de contraste. La création fourmille d’animaux dont on ne peut s’expliquer l’existence et la nécessité que par la loi des oppositions. Leur laideur sert évidemment à faire ressortir la beauté d’êtres mieux doués et plus nobles ; sans le démon, l’ange n’aurait pas sa valeur ; le crapaud rend plus sensible et plus frappante la grâce du colibri. La vie est multiple, et beaucoup d’éléments hétérogènes entrent dans la composition des faits et des événements. La scène la plus touchante a son côté comique, et le rire s’épanouit souvent à travers les pleurs. Un art qui voudrait être vrai devrait donc admettre l’une et l’autre face. La tragédie et la comédie sont trop absolues dans leurs exclusions. Aucune action n’est d’un bout à l’autre effrayante ou risible ; il y a des choses fort comiques dans les événements les plus sérieux, et des choses fort tristes dans les plus bouffonnes aventures. La tragédie et la comédie sont donc des poèmes classiques, attendu que, d’après une convention arrêtée d’avance, elles rejettent l’expression de certains sentiments et de certaines idées. La netteté un peu sèche de l’esprit français s’ac-