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Les pauvres comédiens de campagne avouent humblement à l’amphitryon, qu’ils sont effectivement fort loin de posséder toutes ces qualités ; mais que pour ne pas les posséder toutes, ils ne sont pas cependant privés de toutes, et que si M. de Blandimare veut avoir la bonté de les entendre, il verra qu’ils ne sont point tant à mépriser. — Quelles pièces avez-vous ? dit M. de Blandimare. — Toutes celles de feu Hardy, la Pirame de Théophile, la Sylvie, la Chryséide et la Sylvanire, les Folies de Cardénio, l’Infidèle confidente, et la Philis de Scyre, les bergeries de M. Racan, le Lygdamon, le Trompeur puni, Mélite, Clitandre, la Veuve, la Bague de l’oubli, et tout ce qu’ont mis en lumière les plus beaux esprits du temps. — Pour le moment, on pense qu’il suffira d’une églogue pastorale de l’auteur du Trompeur puni (Scudéry). — M. de Blandimare accède volontiers à cette proposition, car il est fort des amis de ce gentilhomme, qui, à son gré, entre tous ceux qui portent une épée, est celui qui s’aide le mieux d’une plume. — On récite l’églogue ; M. de Blandimare enchanté veut céder sa propre chambre et son lit aux comédiennes, et loin de blâmer son neveu, il s’engage lui-même dans la troupe, et prend un rôle dans la tragi-comédie que l’on doit jouer le lendemain, et qui est intitulée l’Amour caché par l’Amour. — L’on se sépare, et le théâtre représente le Théâtre. — C’est le troisième acte et en même temps le premier, et, comme celle d’Hamlet, prince de Danemark, cette pièce en a une autre dans le ventre. La première était en prose, chose extraordinaire à cette bienheureuse époque, où les poèmes dramatiques étaient