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Minerve dans Stockholm, comme il eut autrefois une Diane dans Tauris ; que l’esprit et la vertu n’ont point de climat affectés, et qu’ils sont aussi bien à Stockholm et à Upsal que dans Rome ou dans Athènes. Depuis la mort du grand cardinal de Richelieu, mon maître, j’ai loué fort peu de chose, parce que j’ai vu fort peu de chose louable ; mais il n’y a moyen de se taire d’une main royale qui daigne souvent quitter le sceptre pour prendre nos livres, et qui ramène cet heureux temps où l’on nous a dit que les philosophes régnoient et que les rois philosophoient… Je sais que ce n’est pas à un broyeur d’ocre à oser entreprendre de vous peindre ; mais si ma force a répondu à mon zèle, une belle reine amazone aura peut-être son Apelle comme Alexandre avoit le sien, et la gloire des Thomyris et des Amalazonthes, vos devancières sera absolument obscurcie par l’incomparable éclat de celle de Votre Majesté… Ce n’est point assez pour moi de se nommer Porphyrogenète, et si le sceptre des rois n’est accompagné des vertus royales, je le considère aussi peu qu’une houlette. » Il paraît que ce mot, passablement baroque, de porphyrogenète, tenait fort au cœur de Scudéry ; car lorsqu’il entra à l’Académie, et que, selon l’usage, il eut composé son compliment de réception, il envoya à Conrart, secrétaire de l’Académie ces trois lignes pour les rajouter à un endroit qu’il désignait :

« L’Académie peut se dire à plus juste titre porphyrogenète que les empereurs d’Orient, puisqu’elle est née dans la pourpre des cardinaux, des rois et des chanceliers. »

Idée sublime et triomphante, et qui valait en effet que l’on fît un carton.