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qu’on a trouvées judicieuses. Ensuite, quand il a bien établi que la pièce est immorale, infâme et digne d’être brûlée par la main du bourreau, il vous démontre qu’elle est absurde, impossible et conduite en dépit du sens commun ; il vous fait toucher au doigt la pauvreté et la puérilité des moyens, l’invraisemblance des entrées et des sorties, le tout avec une dialectique très-serrée et à laquelle il est difficile de ne pas se rendre ; puis il fait ressortir la fausseté et l’exagération des caractères ; il vous montre comme quoi le comte de Gormas n’est qu’un capitan de comédie, un avale-montagne ; Rodrigue, un fat ; Ximène, une coureuse et une aventurière qui n’a pas le ton qu’il faut ; don Arias, un amoureux transi ; Isabelle, une inutilité ; le roi, un franc imbécile. Cela prouvé, il ne reste plus qu’à porter la dernière botte, un coup fourré, et plus difficile à parer que tous les autres. Non seulement l’ouvrage est immoral, absurde, invraisemblable, il est copié d’un bout à l’autre. Ce Cid tant vanté vous le croyez de Corneille ! Pas du tout, il est de Guillen de Castro ; et, comme dit élégamment Claveret : « Corneille n’a eu qu’à choisir dans ce beau bouquet de jasmin d’Espagne tout fleuri que l’on lui a apporté dedans son cabinet même ; et encore comment a-t-il imité tout cela ? dans quels vers a-t-il enchâssé ces belles étoiles d’argent qui fleurissent au parterre de Guillen de Castro ? Dans des vers qui manquent fort souvent de repos en l’hémistiche, et qui sont pleins de fautes contre la langue et de barbarismes. — Et pour prouver cette assertion, il cite plus de deux cents passages traduits, copiés ou imités. »