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tonnant à cela, et où ne peut pas mener la prévention ! Tous les jours, des gens de plus d’esprit que Scudéry trouvent pitoyables les plus belles choses du monde, et démontrent avec tous les apparences de la logique qu’effectivement elles les sont. Il y a pour cela une méthode fort simple, et qui, pour n’être pas neuve, n’en est pas moins d’un effet infaillible. — Vous dites, par exemple : Pour faire une bonne tragédie il faut telle et telle chose ; il faut que l’idée en soit morale et qu’il en résulte une leçon grave et austère pour l’humanité, il faut qu’il y ait de la terreur et de la pitié, — φοβὸς καὶ ἐλεὸς — ce qui est le fondement de toute tragédie ; il faut ceci et cela, car l’on voit dans le Stagyrite ou ailleurs qu’il n’en peut être autrement. — Vous voyez bien qu’il n’y a rien de tout cela dans l’ouvrage dont nous rendons compte ; que les règles n’y sont pas observées, que les mœurs et le costume y sont inexacts, que les sentiments y sont exagérés et la vraisemblance choquée à tout moment, et que le public a évidemment tort de s’y ruer comme il fait et d’y prendre plaisir.

La critique de Scudéry sur le Cid, s’il pouvait y avoir quelqu’un sachant le français qui n’eût pas lu le Cid, paraîtrait la plus juste et la plus naturelle du monde. — Il commence d’abord, comme tout critique qui entend son affaire, par vous prévenir charitablement que la pièce est tout à fait damnable, que c’est une énormité et une monstruosité morale, qu’elle est parricide est incestueuse, qu’elle viole toute convenance et tout respect humain. Il explique cela fort au long, et donne des raisons qui ne sont certainement pas plus mauvaises que tant d’autres