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à l’eau ; sur ces entrefaites arrive la belle Silvie, toute rêveuse et préoccupée.


LYGDAMON.
À ce coup je vous prends dedans la rêverie.


SILVIE.
Le seul émail des fleurs me servoit d’entretien ;

Je rêvois comme ceux qui ne pensent à rien.

LYGDAMON.
Votre teint que j’adore a de plus belles roses,

Et votre esprit n’agit que sur de grandes choses.
 

SILVIE.
Il est vrai, j’admirois la hauteur de ces bois.


LYGDAMON.
Admirez mon amour, plus grande mille fois.


SILVIE.
Que l’aspect est plaisant de cette forêt sombre !


LYGDAMON.
C’est où votre froideur se conserve dans l’ombre.


SILVIE.
Je n’ai jamais rien vu de si beau que les cieux.


LYGDAMON.
Eh quoi ! votre miroir ne peint-il pas vos yeux ?


SILVIE.
Que le bruit de cette onde a d’agréables charmes !


LYGDAMON.
Pouvez-vous voir de l’eau sans penser à mes larmes ?


SILVIE.
Je cherche dans ces prez la fraîcheur des zéphirs.


LYGDAMON.
Vous devez ce plaisir au vent de mes soupirs.


SILVIE.
Que d’herbes, que de fleurs vont bigarrant ces plaines !


LYGDAMON.
Leur nombre est plus petit que celui de mes peines.


SILVIE.
Les œillets et les lys se rencontrent ici.