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tendement qui éclaire la volonté aveugle ; et la Pucelle qui vient assister le monarque contre le Bourguignon et l’Anglois, et qui le délivre d’Agnès et d’Amaury, la grâce divine qui, dans l’embarras et l’abattement de toutes les puissances de l’âme, vient raffermir la volonté, soutenir l’entendement, se joindre à la vertu, et, par un effort victorieux, assujettissant à la volonté les appétits irascibles et concupiscibles qui la troublent et l’amollissent, produire cette paix intérieure et cette parfaite tranquillité en quoi toutes les opinions conviennent que consiste le souverain bien. »

— C’était cependant un bien beau sujet que celui de Jeanne d’Arc, la blonde bergère de Domrémy, qui, tout en conduisant ses moutons sous les vieux chênes de la forêt des Ardennes, conçoit ce projet de délivrer la France, et y réussit, elle, simple et pauvre fille ! Le surnaturel s’y alliait de lui-même à la réalité ; il n’y avait rien à inventer ; la donnée était nationale et d’un grand intérêt. Quelle chaste et suave figure que cette Jeanne d’Arc, vierge au milieu de tous ces hommes d’armes qui la respectent et qui l’adorent comme un être supérieur ! — Quelle touchante histoire ! À la voir si blanche et si rayonnante au milieu de la poussière des batailles, on dirait que c’est un ange qui a coupé ses ailes afin de pouvoir endosser une cuirasse et revêtu un corps mortel pour courir les mêmes risques que ses compagnons d’armes.

Et cette colombe couleur de neige qui s’envole de la flamme du bûcher où la sainte a expié ses victoires et consommé son sacrifice (car Jeanne d’Arc était un christ femelle, une hostie sans tache offerte pour les crimes de