Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/259

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nommait du Lot, dont la profonde méditation avait en quelque sorte fait évaporer l’esprit, s’avisa de cette agréable rêverie de faire des sonnets en bouts rimés, ou plutôt, comme il les appelait, des sonnets en blanc, pour les raisons que l’on peut voir dans la noble préface du poème de la Défaite des bouts rimés, composé par Jean Sarrazin et imprimé depuis peu de jours ; et comme cet extravagant étoit de ceux qui avoient ingenium in numerato, c’est-à-dire fort prompt, je l’ai vu quelquefois, en mon logis du faubourg où notre illustre ami Saint-Amant l’avait introduit, en composer plusieurs sur-le-champ ; ce qui nous surprit d’autant plus que nous lui en donnâmes toutes les rimes, et les rimes encore les plus difficiles et les plus hétéroclites dont nous pûmes nous adviser. Ce qu’il exécuta toujours si heureusement et si bien qu’il fit depuis naître à plusieurs excellents hommes l’envie de marcher sur ses pas (pends-toi, Eugène de Pradel !) ; et l’on voit par là que quelquefois une vaine ou méchante cause est capable de produire de bons et solides effets. Il est bien vrai que, pour rendre témoignage à la vérité, je pourrai en quelque sorte et sans vanité même m’attribuer cette invention telle quelle, puisque dès l’an 1525 j’excitai par hasard trois de mes amis de composer avec moi un certain sonnet sur les quatorze rimes que je leur donnai sur-le-champ et qui dès lors furent heureusement employées. J’en garde encore parmi mes papiers l’original écrit de la propre main des auteurs, dont quelques-uns se sont signalés par des productions d’esprit éclatantes et utiles au public. »

Puisque nous en sommes sur le sonnet, il ne serait