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Qui s’approchent de nous aussitôt qu’ils soupirent,
Et de peur d’être pris aussitôt se retirent,
Qui, se montrant aux yeux et se cachant aux mains,
Font naître cent désirs et mourir cent humains !

Sublime trame d’or, vive table d’ivoire,
Thrésors étincelants de lumière et de gloire,
Throne où la grâce même établit son séjour,
Verger qui produisez les doux fruits de l’amour !
Beaux yeux, et vous, beau sein !…


Le reste est un peu trop galant pour que je le cite, mais ce que j’en ai rapporté peut servir à faire prendre une idée de la littérature anacréontique qui courait les ruelles d’alors. Ces vers représentent assez fidèlement la tournure d’esprit de l’époque : on trouve des charretées de vers, des millions de sonnets qui ne contiennent rien autre chose que de la neige ardente, de la glace de feu, des doubles collines d’ivoire à former une chaîne plus longue que celle des Andes où des Cordillières, des cheveux qui pêchent des cœurs à l’hameçon, des yeux qui réduisent les cieux et le soleil en poudre, et auprès de qui les diamants ne sont que des charbons, des soupirs à faire voguer un vaisseau, et mille autres belles inventions de cette espèce. — Les vers suivants, sur une Jouyssance inespérée, ne sont pas moins curieux et renferment de véritables beautés poétiques. — Le poète a rencontré sa Philis dans un bois, et l’ombre, l’occasion et l’herbe tendre, tout le favorisant, il en a obtenu ce qu’il ne croyait jamais obtenir.


Petits globes d’argent dont la flamme connue
Sort du fond de la mer pour luire dans la nue ;