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peut-il voir quelque chose de plus bouffon ? Calionte, seigneur sarmacien, est aussi bien agréable ! On voit là le mauvais goût des grands romans et toute la préciosité qui distingue les productions de l’époque : le galant soleil de la Divine Astrée jette un fade rayon sur toute la littérature de Louis XIII à Louis XIV ; Corneille, tout robuste qu’il soit, ne résiste pas toujours à cet entraînement ; on se souvient de son adorable furie, des stances du Cid et d’autres passages analogues ; Racine a besoin d’avoir Boileau d’un côté et Euripide de l’autre pour n’y pas retomber à toutes les minutes ; et Molière lui-même, quoiqu’il ait fait les Précieuses ridicules, quoique ce soit le génie du monde le moins entaché d’affectation, offre beaucoup d’endroits d’un maniérisme qui nous semblerait fort étrange, et il ne s’est pas autant dérobé à l’influence d’Honoré d’Urfé qu’on pourrait bien le croire. — Tous ces messieurs des tragédies héroïques ou autres savent leur Clélie sur le bout du doigt, et dans quelque pays et à quelque époque qu’ils soient placés ils ont toujours la royale des raffinés ou la grande perruque et les grands sentiments de la cour de Louis XIV. Il est vrai que, par manière de revanche, si tous les héros tragiques sont travestis à la française, tous les personnages modernes, princes ou héros, sont travestis à l’antique, et nous font voir leur rotule toute bleue de froid sur les places publiques et dans les galeries des musées. Ainsi, comme dirait M. Azaïs, il y a compensation.

Colletet, outre ce qu’il fit dans la pièce des cinq auteurs, eut encore part à l’Aveugle de Smyrne ; mais ce qu’il a écrit pour le théâtre est assurément ce qu’il y a de moins