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fumée d’un poids moindre que celui de l’atmosphère. » — Avec cette indication il ne reste pas grand’chose à faire, et le véritable inventeur du ballon est, à mon avis, Cyrano de Bergerac et non autre. Parmi les paradoxes ingénieux et les idées philosophiques de la plus haute portée, à travers le dévergondage de l’imagination la plus effrénée et la plus aventureuse, il est facile de voir que Cyrano possédait à fond les sciences exactes, qu’il savait parfaitement la physique et connaissait parfaitement le système de Descartes ; il avait aussi fait une Histoire de l’étincelle, où, en même style qu’il prouvait la lune habitable, il prouvait le sentiment des pierres, l’instinct des plantes et les raisonnements des brutes ; mais un voleur pilla son coffre dans sa maladie, et malheureusement on n’a pu la retrouver. S’il faut en croire son ami, M. Le Bret, cette pièce était bien au-dessus de tous ses autres ouvrages, et il en déplore la perte amèrement.

Les ouvrages de Cyrano sont un recueil de lettres sur différents sujets qui sont des espèces d’amplifications où la bizarrerie du style le dispute à la recherche des idées ; — c’est le genre pointu et précieux à sa plus haute expression, mais il y brille un feu surprenant et une fécondité d’invention prodigieuse ; ce sont ses juvenalia et les premiers jeux de sa plume ; le Pédant joué, comédie en cinq actes et en prose ; la Mort d’Agrippine, tragédie d’un goût beaucoup plus sévère que tout le reste de ses œuvres, versifiée avec une vigueur toute cornélienne, et où beaucoup de passages approchent de la sublime ironie de Nicomède ; le morceau suivant peut servir d’échantillon :