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répétitions ou les représentations d’Agrippine, ou peut-être était-ce un pur caprice.

Cyrano s’étant trouvé au siège de Mousson y reçut un coup de mousquet au travers du corps, et plus tard, au siège d’Arras, en 1640, un coup d’épée en la gorge ; il avait alors vingt ans ; c’est commencer de bonne heure et bien des braves militaires servent toute leur vie sans avoir cette bonne fortune d’être aussi honorablement blessé. Toutefois l’incommodité que lui causaient ces deux grandes plaies, la fréquence des duels que lui attirait sa réputation, les privations qu’il avait eues à souffrir pendant ces deux campagnes, son amour pour l’étude, son esprit d’indépendance et le peu d’espoir qu’il avait de parvenir, n’ayant point de patron, tout contribuait à le dégoûter du service ; il renonça entièrement à ce métier de la guerre, qui veut un homme tout entier et ne lui laisse point sa liberté d’esprit et d’action. Le maréchal Gassion, qui aimait les gens de cœur et d’esprit, avait bien cherché à l’attacher à sa personne sur le bruit qu’avait fait son engagement de la porte de Nesle ; mais Cyrano, malgré les sollicitations de ses amis, n’avait pas donné dans cette ouverture, tellement il avait peur de compromettre sa liberté par sa reconnaissance. Il avait l’esprit naturellement très-désintéressé, et se souciait d’ailleurs aussi peu que possible des personnes du temps, et ne trouvait pas que la sujétion qu’occasionnent la familiarité et le patronage des grands fût assez compensée par les services et l’avancement qu’on pouvait en tirer. Cette dispositiou d’humeur lui fit négliger de très-belles et très-utiles connaissances que voulait lui procurer et lui faire