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les types des Scapins et des Lisettes, n’était réellement qu’un portrait légèrement chargé.

Il ne manquait pas de ces fendeurs de naseaux, la moustache en croc, bien cambrés, bien guédés, le manteau sur le coin de l’épaule, le feutre sur les yeux, fendus comme des compas, armés d’une rapière aussi longue qu’un jour sans pain, qui se battaient avec ceux qui marchaient dans leur ombre, renversaient les escadrons au vent de leur tueuse, et envoyaient défendre au genre humain d’être vivant dans trois jours, sous peine d’avoir affaire à eux.

Écoutez le matamore du théâtre :

— Qui sont les canailles qui font du bruit là-bas ? — Si je descends je lâcherai la bride aux Parques… Eh ? ne savez-vous qu’à ces heures muettes j’ordonne à toute chose de se taire, hormis à ma renommée ? Ne savez-vous que mon épée est faite d’une branche des ciseaux d’Atropos ? — Ne savez-vous pas que si j’entre, c’est par la brèche ; si je sors, c’est du combat ; si je monte, c’est dans un trône ; si je descends, c’est sur le pré ; si je couche, c’est un homme par terre ; si j’avance, ce sont mes conquêtes ; si je recule, c’est pour mieux sauter ; si je joue, c’est au roi dépouillé ; si je gagne, c’est une bataille ; si je perds, ce sont mes ennemis ; si j’écris, c’est un cartel ; si je lis, c’est un arrêt de mort ; enfin, si je parle, c’est par la bouche d’un canon ?

Écoutez maintenant le matamore de la ville :

« Enfin, gros homme, je vous ai vu, mes prunelles ont achevé sur vous de grands voyages ; mais comme je ne suis pas tout seul les yeux de tout le monde, permettez