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SEJANUS.

Oui, mais s’il en étoit, serois-je encore au monde ?


Et cet autre passage où l’immortalité de l’âme est niée :


AGRIPPINE.

D’un si triste spectacle es-tu donc à l’épreuve ?

SEJANUS.

Cela n’est que la mort, et n’a rien qui m’émeuve.

AGRIPPINE.

Et cette incertitude où mène le trépas ?…

SEJANUS.

Étois-je malheureux lorsque je n’étois pas ?
Une heure après la mort, notre âme évanouie
Sera ce qu’elle étoit une heure avant la vie.


Mais cela ne prouve rien ; ce n’est pas le poète qui dit cela, c’est le personnage qu’il met en scène : distinction bien facile à faire, et qu’on ne veut jamais faire, je ne sais pourquoi. On a ainsi accusé d’irréligion et d’athéisme de parfaitement zélés chrétiens qui venaient de faire leurs pâques et s’abstenaient expressément de la chair les vendredis et samedis ; la malignité y trouve son compte. On cite quelques vers perfidement isolés, et voici un honnête homme de cœur et de génie proclamé athée et libertin par des cuistres obscurs qui devaient porter l’alphabet à l’épaule, et qui, de la fange où ils sont, ne cessent d’envoyer leurs croassements à toute renommée, et remplissent en littérature la charge des insulteurs-jurés des triomphes romains. Ces maximes sont dans la bouche de Séjan, un scélérat pourri de vices, un de ces monstrueux