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quelin sont très-proches parents des Sidias de Théophile et des pédants de Cyrano ; assurément ils ont régenté la même classe dans quelque collège de province, c’est la même férule qu’ils ont à la main, c’est le même jargon qu’ils ont dans la bouche ; ils jurent tous par Aristote et sa docte cabale : la question de savoir si l’on doit dire la forme ou la figure d’un chapeau vaut bien le si odor in pomo.

Cyrano se plaignit à son père tant et si souvent de l’ineptie de son maître que celui-ci, bon gentilhomme de campagne, se souciant plus de ses chiens que de ses enfants, le retira de chez le prêtre, et, sans s’inquiéter d’autre chose que de faire bonne chère, l’envoya tout seul à Paris, à l’âge où les passions qui s’éveillent sont le plus à craindre, surtout dans les natures excessives comme celle du jeune Savinien.

Ce qui devait arriver arriva : Bergerac se laissa aller à l’entrain de toute cette jeunesse folle et turbulente d’alors ; il se livra à la débauche avec l’ardeur d’un jeune homme de dix-huit ans qui voit Paris pour la première fois, et qui sort d’un petit presbytère de province, d’une maison tranquille et discrète, sobre et froide, rangée et silencieuse, presque toujours à moitié endormie à l’ombre de ses pâles noyers entré l’église et le cimetière, gouvernée par un vieux prêtre radoteur et quelque Toinon chassieuse et refrognée. Le vin et les femmes, ces deux charmantes choses qui sourient si gracieusement à nos jeunes fantaisies, faillirent à l’empiéter complètement au sortir de cette vie de discipline et de retenue. C’était alors le temps de ces belles aventurières espagnoles et italien-