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donne : vous n’avez ni beauté, ni esprit, ni talents ; vous avez un teint d’Égyptiennes, les cheveux gras, la gorge mal faite, la taille mal prise, la tête trop forte et les pieds plats ; vos maris ont grand tort de vous cadenasser ; il n’est pas besoin qu’une duègne vous talonne incessamment et fasse le duplicata de votre ombre, vous vous gardez très-bien vous-mêmes, et votre laideur vous est une duègne suffisante. Les cardinaux eux-mêmes ne sont pas à l’abri de ses railleries ; il blasonne le plus plaisamment du monde leurs grands carrosses à la vieille mode, à moitié dédorés et traînés par des mules étiques ; leurs pages en guenilles et leurs laquais sans souliers. Ô descendants des nourrissons de la louve ! comme il vous tance sur votre servilité, votre bassesse, votre avarice et votre friponnerie ; comme il peint bien toute cette canaille qui vous demande la manche et le paraguante, celui-ci pour vous avoir regardé, celui-là pour avoir dit : Dieu vous bénisse ! comme il vous reproche votre admiration monstrueuse pour la Vénus Callipyge ! comme il se moque de votre musique, de vos sérénades plus discordantes qu’un concert d’amateurs ! Hector Berlioz n’en eût pas dit davantage. Et vos grands feutres flasques, et ces plumes qui battent de l’aile comme des choucas prêts à prendre leur vol, et vos longues épées rouillées, et vos velours râpés, et vos galons ternis, comme il vous flagelle sans pitié ! Une seule chose trouve grâce à ses yeux en Italie : c’est la polenta au fromage et le vin de Montefiascone ! — Vous conviendrez que Saint-Amant était un homme prodigieusement avancé pour son siècle : c’est à ce séjour en Italie que se rapporte le sonnet suivant :