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mêlée de réflexions religieuses et d’élans pieux : aussi la pièce est-elle adressée à un évêque, qui est messire Philippes Cospéan, évêque de Nantes. Mais ce n’est là qu’un côté du talent de Saint-Amant ; le grotesque, cet élément indispensable que des esprits étroits et minutieux ont voulu rejeter du domaine de l’art, abonde chez lui à chaque vers, et se tortille au bout des rimes aussi capricieusement que les guivres et les tarasques au bout des gouttières gothiques et sous les porches des vieilles cathédrales. — Il a moins d’enjouement en ce genre que Scarron ; mais une couleur forte et tranchée, que celui-ci n’a jamais, donne à son grotesque une bien plus haute valeur artistique. — Son trait est fin et brusque à la manière de Callot, avec quelque chose d’excessif et d’étrange qui fait que les figures qu’il dessine ont des airs de famille avec les Tartaglia, les Brighelle et les Pulcinelli du graveur lorrain. Voici un tableau d’intérieur esquissé au charbon et qu’Ostade ne désavouerait pas : c’est la chambre du débauché. La pièce est trop longue et trop libre pour que nous la citions ; nous en réunissons en quelques lignes les principaux traits. Après avoir monté assez haut pour se croire au troisième ciel, où fut ravi saint Paul, on arrive devant une porte où un rat ne saurait passer qu’à genoux ; la chambre est si froide qu’au milieu de l’été on y gèle comme au mois de décembre et qu’il y faut faire du feu. — Un petit galopin de valet revient tout chargé de cotterets, qu’il a escroqués en ville ; mais la fumée se répand par la chambre et fait verser aux assistants plus de larmes que s’ils venaient de perdre toute leur famille : c’est à travers cette fumée blonde et rousse que le poète fait l’in-