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bien à sa place. Après avoir erré quelque temps dans ces ruines où le pâle Morphée dort aux bras de la nonchalance, couché sur des gerbes de pavots, le poète monte sur une falaise escarpée dont le front semble aller chercher en quel lieu se font les bruines, et de là il contemple l’étendue de la mer qui apporte et rentraîne les galets ; il voit flotter les éponges, le goémon, l’ambre gris, les corps des monstres naufragés ; il voit les tritons chevelus qui se haussant sur les vagues agitées, font sonner leurs trompes et calment la tempête ; puis vient cette strophe avec laquelle Victor Hugo s’est si merveilleusement rencontré dans le Feu du ciel (Orientales) ; c’est de la mer que parle Saint-Amant :


Tantôt la plus claire du monde,
Elle semble un miroir flottant,
Et nous représente à l’instant
Encore d’autres cieux sous l’onde ;
Le soleil s’y fait si bien voir,
Y contemplant son beau visage,
Qu’on est quelque temps à savoir
Si c’est lui-même ou son image,
Et d’abord il semble à nos yeux
Qu’il s’est laissé tomber des cieux.


La pièce se termine par quelques strophes d’envoi très-ingénieuses.

L’ode du Contemplateur sans être aussi connue et aussi souvent citée que l’ode à la Solitude, renferme des passages d’une grande beauté et à peu près de la même nature : c’est une rêverie à propos de tout, à propos d’une dorade qui passe, d’un cormoran qui S’envole, d’une phalène qui bat de l’aile, d’un nid d’alcyon qui flotte, entre-