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« Je prévois encore que ceux qui n’aiment que les imitations des anciens, qui en font leurs idoles qui voudroient que l’on fût servilement attaché à ne rien dire que ce qu’ils ont dit, comme si l’esprit humain n’avoit pas la liberté de produire rien de nouveau, diront qu’ils estimeroient plus un larcin que j’aurois fait sur autruy que tout ce que je pourrois leur donner de mon propre bien… Il est vrai que je ne me plais pas beaucoup à me parer des plumes d’autruy, comme la corneille d’Horace, et que, la plupart du temps, je ne m’amuse qu’à faire des bouquets de simples fleurs tirées de mon parterre.

« Je voudrois bien, pour conclusion, dire quelque mot en passant, de mon style et de la manière que j’ai observée à faire mes vers. Si j’avois le loisir, je dirois que je ne suis pas de l’avis de ceux qui veulent qu’il ait toujours un sens absolument achevé aux deuxième et aux quatrième. Il faut quelquefois rompre la mesure, afin de la diversifier autrement : cela cause à l’oreille un certain ennui qui ne peut provenir que de la continuelle uniformité. Je dirois qu’en user de la sorte, c’est ce qu’en termes de musique on appelle rompre la cadence ou sortir du mode pour y rentrer plus agréablement : je dirois la différence du style qui narre au style qui décrit… et quand j’aurois dit tout cela bien au long, avec les circonstances requises, je n’aurois pas dit la centième partie de ce qui s’en peut dire. »


On voit par ces quelques lignes de quel parti était Saint-Amant dans cette grande querelle des anciens et