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Dans ces vers, il semble manifester le désir de se naturaliser en Pologne.


......Il m’entre en la pensée,
Si vers le Nord ma fortune est poussée,
Si la Vistule à mes yeux se fait voir,
Comme le ciel m’en a donné l’espoir,
De me vestir, en noble et fier Sarmate,
D’un beau velours dont la couleur éclate,
Qui, grave et doux sur un poil précieux,
Rende mon port superbe et gracieux ;
D’armer mon flanc d’un riche et courbe sabre ;
De m’agrandir sur un turc qui se cabre ;
De transformer mon feutre en un bonnet
Qui tienne chaud mon crâne rasé net ;
De suivre en tout la polonaise mode,
Jusqu’à la botte au marcher incommode,
Jusqu’aux festins où tu dis qu’on boit tant,
Et dont l’excès m’étonne en me flattant ;
Bref, jusqu’aux murs, et même je m’engage
Jusqu’à ce point d’apprendre le langage,
De le polir, de me traduire en vers
D’un style haut, magnifique et divers :
Si que de tous en la cour florissante
De notre reine adorable et puissante,
Et pour qui seule au monde je nasquy,
Je sois nommé le gros Saint-Amantsky.


Mais il n’en fit rien, et Saint-Amant ne devint pas Saint-Amantsky. Il retourna en France et refit le Moïse sous le titre d’Idylle héroïque, titre qui fut assez vivement critiqué, malgré l’approbation de l’Académie, dont l’auteur s’appuie dans la préface, qui est fort remarquable comme style et comme renfermant les opinions littéraires du poète. — En voici quelques fragments :