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Pour te venir marquer d’une éternelle ride ?
Veux-tu savoir son nom ? Ce coursier que j’entends,
Qui galope toujours, n’est autre que le temps.
Pourquoi donc n’attends-tu pour faire ta retraite
Que l’hiver de ta vie ait neigé sur ta tête,
Et que ta tresse blonde, en te désobligeant,
Passe d’un âge d’or dans un siècle d’argent ?


Après ce bel exorde le monde lui demande, en vers alternés, à quoi servent ces disciplines, ces orties, ces haires, ces cilices, et engage Magdelaine à revenir à lui, alléguant qu’elle est trop délicate pour supporter de semblables macérations.


Magdelaine à cela, pour toute sa réponse,
Lui dit, le repoussant avec un coup de ronce :
« Sors d’ici, malheureux ! avec tes faux appas ;
Si je te fais pitié tu ne m’étonnes pas ;
Si tu n’as pas pour moi de ruse plus subtile,
Je n’entends point d’ici ta voix de crocodile ;
Et quoiqu’en me flattant tu me sembles pleurer,
Tu n’as d’autre dessein que de me dévorer.
Mais je suis du tout sourde à ta voix de syrène,
Et j’aime mieux servir qu’être ta souveraine,
Être plutôt esclave et ne rien posséder
Que d’être possédée, et de te voir céder
Le hérissé cilice et la chaîne pesante.
L’un me semble plus doux, et l’autre plus plaisante
Que mes colliers dorés, que ma gaze et mon lin,
Que mon drap d’or frisé, que mon linge plus fin.
Les cailloux que tu vois, comme mes pierreries,
Sont bons pour t’accabler avec les tromperies ;
Mes roses, mes plaisirs, mes passe-temps plus chers
Se trouvent aux chardons, aux ronces, aux rochers :
Ne me cherche donc plus parmi ces solitudes,
Des douillets comme toi les trouveraient trop rudes ;
Laisse qui t’a quitté, sans troubler mon repos.
Ce sont là les discours, entretiens et propos