Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/137

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ah ! je vois que tu m’aimes bien !
Tu rougis quand je te regarde.

Ma Corinne, que je t’embrasse ;
Personne ne nous voit qu’amour,
Et les rayons des yeux du jour
Ne trouvent point ici de place.

Les vents qui ne se peuvent taire
Ne peuvent écouter aussi,
Et ce que nous faisons ici
Leur est un inconnu mystère.


Pour trouver dans la poésie française une pièce plus admirablement amoureuse, plus roucoulante, plus pleine de souffles et de soupirs, plus divinement parfumée de l’émanation des fleurs sauvages, il ne faut rien moins que descendre jusqu’aux premières méditations de Lamartine, c’est-à-dire à notre plus grand poète ; son Elvire est sœur de la Corinne de Théophile, et lui seul serait capable de jeter autant de fraîcheur sous les feuillages et de donner tant de mélodie au bruissement des eaux et aux haleines des vents. On sent passer par-là quelque souffle de l’amour qui a dicté à Salomon son admirable Cantique des cantiques ; seulement l’amour de Théophile est plus sensuel, moins chrétien et mystique que celui de Lamartine, cela doit être, — et ces stances plus exclusivement descriptives :


Je verrai ces bois verdissants
Où nos isles et l’herbe fraische
Servent aux troupeaux mugissants
Et de promenoir et de cresche.
L’aurore y trouve à son retour
L’herbe qu’ils ont mangé le jour ;