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et que rien n’y manque pour être parfaitement semblable à celle qui vient d’avoir lieu, pas même le retour au moyen âge. À tous ces points de rapports se joint encore la recherche de la couleur et l’étude sur la nature du paysage et des effets pittoresques. Quelques citations nous feront mieux comprendre que tout ce que nous pourrions dire. Voici un tableau avec figure et paysage dans le goût du Giorgione, d’une couleur blonde, transparente et fraîche, et dont le dessin, pour être quelque peu maniéré dans ses contours, ne manque cependant ni de correction ni de charme. La scène est dans une forêt, — ou plutôt un parc, celui de Chantilly probablement, — où le poète se promène avec sa maîtresse. Les strophes descriptives et les strophes amoureuses alternent gracieusement :


Dans ce val solitaire et sombre,
Le cerf qui brame au bruit de l’eau,
Penchant ses yeux dans un ruisseau,
S’amuse à regarder son ombre.

Un froid et ténébreux silence
Dort à l’ombre de ces ormeaux,
Et les vents battent les rameaux
D’une amoureuse violence.

Corinne, je te prie, approche !
Couchons-nous sur ce tapis vert,
Et, pour être mieux à couvert,
Entrons au creux de cette roche.

Que ton teint est de bonne grâce !
Qu’il est blanc et qu’il est vermeil !
Il est plus net que le soleil,
Il est uni comme une glace !

Mon Dieu, que tes cheveux me plaisent !
Ils s’esbattent dessus ton front ;