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d’écrire en prose poétique, c’est-à-dire dans le pire langage du monde après la poésie prosaïque, renversement qui, par malheur, est à la mode dans le temps d’épreuve littéraire où nous sommes.

Tout ce que demande Théophile nous l’avons demandé lors de l’émeute poétique qui a eu lieu sous la restauration ; et personne ne peut nier que cet auteur tant décrié ait raison dans ce qu’il dit pour le fond et la forme. Voilà le secret de tous les anathèmes dont il a été accablé et ce qui s’explique la furieuse animosité que certaines gens avaient contre lui. On sait combien sont vivaces et terribles les haines littéraires : ces derniers temps ont fait voir jusqu’où elles pouvaient aller. Elles sont encore plus envenimées, s’il est possible, que les haines politiques ; car l’ordinaire celles-ci ne touchent que les intérêts, et les autres froissent les amours-propres blessés ou souffrants, ce qui est bien autre chose.

Il proscrivait l’emploi de la mythologie, et voulait qu’on laissât dans leur vieux ciel de papier peint les divinités décrépites de l’ancien olympe. Il trouvait que l’aurore aux doigts de rose commençait à devenir très-peu récréative et à se couperoser terriblement, qu’il était temps de laisser là Phébus avec sa perruque blonde et sa vielle, et que, à tout prendre, la basse de la pâle sainte Cécile valait bien la trompette de Clio la bouffie ; il avait l’air de se soucier assez peu de la symbolique virginité des neuf sacrées pucelles, crime impardonnable !


Je fausse ma promesse aux vierges du Parnasse ;
Je ne veux réclamer ni Muse ni Phœbus,
Et je suis, grâce à Dieu, guéri de cet abus.