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point pour les aller quérir ; la manière dont il traitait Pindare, la préférence qu’il accordait à Stace et à Sénèque, donnent assez la mesure de sa politesse et de son jugement. — Lors du procès de Théophile, il dit que, quant à lui, il le croyait innocent, mais que, si l’on brûlait les gens pour faire de méchants vers, il le méritait bien ; et, se tournant vers Racan, il ajouta : « Vous ne courez pas risque que l’on vous prenne pour son complice. »

Théophile, qui parle de Malherbe en quelques endroits de ses ouvrages, le juge avec plus de finesse et d’intelligence, et, sans le priser au delà de sa valeur, il lui rend l’espèce de justice qu’il mérite en un sens ; voici ce qu’il dit :


Je ne fut jamais si superbe
Que d’oster aux vers de Malherbe
Le françois qu’ils nous ont appris.


Et autre part :


Imite qui voudra les merveilles d’autrui :
Malherbe a très-bien fait, mais il a fait pour lui.
Mille petits voleurs l’écorchent tout en vie ;
Quant à moi, ces larcins ne me font point envie ;
J’approuve que chacun escrive à sa façon ;
J’aime sa renommée, et non pas sa leçon.
Ces esprits mendiants d’une veine infertile,
Prennent à tout propos ou sa rime ou son style,
Et de tant d’ornements qu’on trouve en lui si beaux,
Joignent l’or et la soie à de vilains lambeaux,
Pour paroître aujourd’hui d’aussi mauvaise grâce
Que parut autrefois la corneille d’Horace.
Ils travaillent un mois pour chercher comme à fils
Pourra s’apparier la rime de Memphis.