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Quel poète est celui-là que Régnier, admirable lui-même, proclame admirable ! Corneille n’écrit pas d’un autre style une tirade politique, et trouve sa forme assez solide pour y couler son vers d’airain. Molière s’accommode de ses enjambements, de ses césures mobiles, et ne trouve point, après si longtemps, que son procédé soit vieilli. La Fontaine s’y rattache par les archaïsmes et les idiotismes nombreux qui donnent tant de saveur et de grâce à son style si français qu’il en est gaulois. Sans parler de ses contemporains, tels que Rémi Belleau, Antoine Baif, Amadys Jamin et d’autres, de très-recommandables poètes, comme Théophile, Saint-Amand, etc., ont subi sa puissante influence et reflété quelques rayons de ce magnifique soleil de poésie qu’il fit luire sur la France. Quelque temps après son apparition, il s’éleva une autre école, école envieuse et improductive, éplucheuse de mots et peseuse de syllabes, une école de grammairiens contre une école de poètes, comme cela se fait toujours, qui s’est mise à reviser, strophe par strophe, virgule par virgule, tous les vers de la Pléiade, et en traiter les étoiles de bas en haut. Le régent de cette classe était le sec, le coriace et filandreux Malherbe, sur qui Nicolas Despréaux Boileau, esprit de même trempe, a fait ces vers triomphants et superlatifs qui renferment à peu près autant d’erreurs que de syllabes :


Enfin Malherbe vint qui le premier en France
Fit sentir dans les vers une juste cadence ;
D’un mot mis en sa place enseigna le pouvoir,
Et réduisit la muse aux règles du devoir.
Par ce sage écrivain la langue réparée
N’offrit plus rien de rude à l’oreille épurée.