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« Maudit sois-tu, Théophile ! maudit soit l’esprit qui t’a dicté tes pensées, maudite soit la main qui les a écrites, malheureux le libraire qui les a imprimées, malheureux ceux qui les ont lues, malheureux ceux qui t’ont jamais cognu ; et béni soit le premier président, et béni soit M. le procureur-général qui a purgé Paris de cette peste ! C’est toi qui es cause que la peste est dans Paris. — Je dirai, après le révérend Père Garassus, que tu es un bélître, que tu es un veau : que dis-je, un veau ? d’un veau la chair en est bonne bouillie, la chair en est bonne rostie ; de sa peau on en couvre les livres : mais la tienne, meschant, n’est bonne qu’à estre grillée ; aussi le seras-tu demain. Tu t’es mocqué des moynes, les moynes se mocqueront de toy. » — Ô beau torrent d’éloquence ! ô belle saillie de Jean Guérin !

Tout l’in-quarto du Père Garasse, car c’est un in-quarto, est écrit sur ce ton ; c’est un singulier livre ; il y injurie en même temps Théophile, Luther et un certain Lucilio Vanino. — Il les accuse de goinfrerie et d’athéisme. — Il appelle Théophile poétastre, vilain, pouacre, écorniffleur, ivrognet ; Luther gros buffle d’Allemand, gros tripier, gros piffre, qui ne sait rien que boire et manger, qui n’a l’âme qu’à la viande, et qui ne saurait jeûner un jour sans se croire mort ; Lucilio Vanino paillard, corrupteur de la jeunesse, naturaliste et athéiste. Il montre comme quoi les athées sont pareils aux griffons, qui sont toute gueule et tout ventre, et aux crocodiles, avec cette différence pourtant que les griffons mangent en une fois pour quarante jours, ce qui n’est jamais arrivé aux athées, qui mangent quarante fois pour un jour. —