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graphie de Maurin. Sans doute de pareilles productions sont indignes de l’art ; mais cependant il y reste encore assez d’art pour qu’on les voie brûler avec un sentiment de regret, et qu’on en retire avec le bout des doigts quelques feuillets échappés au feu de paille du bourreau : c’est comme ce musée érotique de Naples et ces belles statues qu’on n’a pas le courage de briser, mais sur qui la morale est obligée de tirer à tout jamais son rideau.

Admirable seizième siècle ! — Car Théophile et la société qui l’entoure, tiennent plutôt au seizième siècle qu’au dix-septième, quoiqu’ils aient déjà fait quelques pas dans celui-ci. — Siècle fécond, touffu, plantureux, où la vie et le mouvement surabondent ! — Admirable jusque dans ses turpitudes ! — Que nous sommes petits à côté de ces grands-là ! — Ils savent le grec, ils savent l’hébreu. — Les cuisinières parlent très-bien latin. — Théologie, archéologie, astrologie, sciences occultes, ils ont tout approfondi ; ils connaissent tout ce qui est, et même ce qui n’est pas ; ils mordent en plein dans les fruits de l’arbre de science ; ils desserrent in-folio sur in-folio ; un in-quarto leur coûte moins qu’à nous un in-trente-deux ; les peintres et les sculpteurs couvrent des arpents de toile de chefs-d’œuvre et pétrissent des armées de statues ; on se bat avec des épées que nous soulevons à peine, avec des armures qui nous feraient tomber sur nos genoux. — Querelles de théologie, émeutes, duels, enlèvements, aventures périlleuses, repues franches dans les cabarets. — Sonnets à l’italienne, madrigaux en grec sur une puce, savantes scholies sur un passage obscur, débauches effrénées avec les grandes dames ou les petites bour-