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L’ancre est levée, et le zéphire,
Avec un mouvement léger,
Enfle la voile et fait nager
Le lourd fardeau de la navire.
Mais quoy, le temps n’est plus si beau,
La tourmente revient dans l’eau.
Dieu ! que la mer est infidèle !
Chère Chloris, si ton amour
N’avoit plus de constance qu’elle,
Je mourrois avant le retour.


Théophile vint à Londres, et tâcha d’obtenir l’honneur d’être présenté au roi Jacques Ier ; il paraît que celui-ci, prévenu contre le poète, ne voulut pas en entendre parler. Théophile, pour s’en consoler, rima cette boutade :


Si Jacques, le roi du bon sçavoir,
N’a pas jugé bon de me voir,
En voici la cause infaillible :
C’est que, ravi de mon écrit,
Il a cru que j’étois un esprit,
Et par conséquent invisible.


L’ode qu’il adressa au roi Louis XIII, pendant son exil, est pleine de mouvement et d’un goût irréprochable ; elle commence ainsi :


Celui qui lance le tonnerre,
Qui gouverne les éléments,
Et meut avec des tremblements
La grande masse de la terre.
Dieu, qui vous mit le sceptre en main,
Qui vous le peut oster demain,
Lui qui vous preste sa lumière,
Et qui, malgré vos fleurs de lis,
Un jour fera de la poussière
De vos membres ensevelis,