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les cruautés de l’amour

— Mais tu sais bien que mon père voyage et que son retour dépend du caprice des maîtres, dit Clélia.

— Tu prends cela bien tranquillement, toi. Tu ne vois donc pas comme je suis malheureux ? Si tu m’aimais autant que je t’aime, tu partagerais ma peine.

— Voudrais-tu dire que je ne t’aime pas ?

— Oui, je le dis, et cela est certain.

— Que faudrait-il faire pour te prouver le contraire ?

— Eh bien, si tu m’aimes, embrasse-moi, s’écria André en passant son bras autour de la taille de Clélia.

— Je t’embrasserais très-volontiers, dit-elle, mais cela ne serait pas bien.

— Qui t’a appris cela ? Quel mal y a-t-il à donner un baiser à l’homme avec lequel on passera toute sa vie ?

— S’il n’y a pas de mal, je le fais de tout mon cœur, dit Clélia en effleurant de ses lèvres, le front du jeune homme ; es-tu content, maintenant ?

— Oui, dit André d’une voix très-basse.

Quelques instants après un homme sortait du taillis ; il feignit d’apercevoir les jeunes gens pour la première fois et s’approcha d’eux. C’était un ami