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les cruautés de l’amour

parlé ainsi, dit Clélia ; je quitterai ta demeure puisque ma présence t’irrite.

André devint pâle et regarda Clélia avec épouvante.

— Vous voulez partir d’ici, s’écria-t-il après un instant de silence, et c’est moi qui vous chasserai ! Je deviens fou, voyez-vous, j’ai élevé la voix, je me suis plaint de vous. Un moujik vous parler de la sorte ! c’est que j’ai la fièvre, je vous l’ai dit, j’ai senti aujourd’hui les dents d’un loup m’entrer dans la gorge, j’ai perdu beaucoup de sang, je ne suis pas comme d’ordinaire, pardonnez-moi, dites-moi que vous ne partirez pas.

— Je resterai, mais, je t’en prie, calme-toi, dit Clélia. Qu’as-tu donc pour être si pâle ? ton front brûle, tu es malade. Mais mon Dieu ! s’écria-t-elle, son sang coule encore, il va s’évanouir.

— Ne craignez rien ; tout à l’heure, quand vous avez dit que vous partiriez, j’ai cru que j’allais mourir, maintenant c’est passé. Tout ce que j’ai dit, oubliez-le et pardonnez-moi. Je serai votre esclave, votre fiancé puisque vous le voulez, jusqu’au jour où vous retournerez chez vous ; alors, nous verrons.

— Tais-toi, enfant, tu es dans une étrange exaltation ce soir, dit Clélia en comprimant avec son mouchoir la blessure qu’André avait au cou.