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les cruautés de l’amour

Ivan se retourna :

— Eh bien ! dit-il, c’est qu’il aura pris celles de Fédor.

— Oh ! non, dit Fédor, pas possible. Mon fusil ne vaut rien et André le sait.

— Il aura trouvé en route un ami qui lui en aura prêté un ; d’ailleurs, s’il n’a pas pris ses armes c’est qu’il n’en avait pas besoin.

— Il m’a dit qu’il tuerait un loup.

— Allons ! allons ! tu es folle. Ne vas-tu pas pleurnicher à présent ? Tu t’imagines que ton fils a toujours trois ans et qu’il ne peut faire un pas sans toi.

— Hélas ! un malheur est si vite arrivé ! dit Macha.

— Bon ! voilà l’autre ! s’écria Ivan en frappant du poing sur la table. Finirez-vous, enfin ?

En entendant son grand-père faire la grosse voix, le petit Fedia se mit à pleurer.

— Ah ! vous me faites peur à la fin ! s’écria Clélia qui s’enfuit en pleurant aussi.

Elle se sauva dans sa chambre et s’assit au bord de son lit toute surprise de se sentir si vivement émue.

— Suis-je folle ? se dit-elle. Qu’est-ce donc que j’ai ? Il me semble que s’il arrive malheur à ce garçon, c’est moi qui en serai cause.